Le sabre de Bès
Extrait
Lafayette, Indiana, deux heures du matin.
Poussant son vieux caddie rouillé et bruyant, le clochard avait déjà repéré les poubelles bien garnies de Main Street. Il savait que les restaurants jetaient plus qu’il n’en avait besoin et qu’il devait se dépêcher à cause de la chaleur qui régnait dans la ruelle étroite. L’odeur des cartons de pizzas, des plats italiens cuisinés et balancés à même la poubelle commençait à lui titiller les narines. D’une main tremblante par l’excitation et la faim, il retourna le contenu et prit ce dont il avait le plus envie. Pour lui, c’était la fête. Il se servait allégrement et remplissait son caddie de petites choses toutes aussi appétissantes les unes que les autres. L’enseigne lumineuse verte et blanche éclairait sournoisement l’arrière du restaurant, permettant au vagabond d’avoir une vue parfaite.
Au bout de quelques minutes, il fut distrait par une ombre furtive qu’il aperçut sur le mur devant lui. Effrayé, l’homme se retourna d’un trait et scruta l’endroit, la respiration haletante. Il n’y avait personne. Le temps de reprendre un souffle normal, il poussa un soupir de soulagement et reprit ses activités, choisissant toutefois de ne pas traîner. L’ombre réapparut mais demeura sur place. Le clochard virevolta sur lui-même pour voir qui était derrière lui mais la ruelle demeurait étrangement déserte.
La peur primant sur la faim, le mendiant fit face aux poubelles pour saisir son caddie et s’enfuir mais l’ombre était encore là. Elle se déplaçait insidieusement dans le mur lui-même. Enfin, une forme se dessina distinctement, sortant de la pierre comme le prédateur émergeant de sa tanière. La silhouette d’une femme légèrement vêtue d’une tunique blanc nacré lui fit face. Le clochard fut d’abord paralysé par un effroi sans nom puis bientôt, ses membres se raidirent douloureusement. Il ne pouvait plus parler ni bouger. Son corps fut projeté au sol, faisant craquer ses os au contact du bitume.